Posté le 01/06/2011 à 22:18
Au début, j'ai réservé mes billets sans trop de conviction, au point d'attendre une promo pour intégrer le « carré or », concept inventé par les promoteurs de tournées, afin de faire croire à quelques gogos (dont je fais partie) qu'ils seront des spectateurs privilégiés et surtout destiné à vendre ces places beaucoup plus chères que les autres...
Bon, j'ai eu mes places « carré or » au prix des places normales donc, j'y ai vu comme un signe qu'il fallait que j'y aille.
Pourquoi autant d'appréhension au sujet du concert d'un des artistes que j'ai tant vénérés dans ma vie?
Parce que Cat Stevens ne s'appelle plus ainsi, il en a décidé.
Il s'appelle dorénavant Yusuf Islam, depuis 1977, a eu des propos qui ont fait polémique sur certains évènements politiques et liés au terrorisme international, parce que Yusuf a renié Cat et que pourtant, Cat était une de mes idoles.
Cat Stevens, c'est ma période « Baba-cool », jeans moulants et écharpes palestiniennes, c'est ma période mauve, ma période rebelle à toutes les manifestations des années 80, années « chic et fric », c'est ma période anti-consommation, lorsque j'allais aux puces de Clignancourt ou de Montreuil m'acheter un poncho péruvien, lorsque j'allais au centre Beaubourg écouter et visionner tous ces témoignages d'une époque que je n'avais pas connue, qui était révolue et que je regrettais.
Cat Stevens, c'est « My Lady D'arbanville », c'est aussi « Sad Lisa », « Morning has broken » et surtout « Trouble », magnifique bande originale de ce film qui m'a tant marquée par son indécence, oui, indécence de mettre ainsi en lumière les messages de paix et de tolérance de façon aussi simple et crue que l'était « Harold et Maud ».
Enfin, j'étais fachée après Yusuf que celui-ci renie Cat Stevens et je renâclais à aller le voir.
Mais il s'agit d'une légende et la légende en question, soit par besoin matériel, soit par regret, a décidé de renouer avec son alter ego pop des sixties-seventies.
De plus, sur l'affiche, est bien écrit « Cat Stevens » en gros et « yusuf » en plus petit, ce qui me rassure sur les intentions de l'artiste.
Le jour du concert arrivé, nous nous installons donc avec un certain bonheur dans le « carré or », endroit qui nous permet de voir la scène et les musiciens un peu mieux que de vagues silhouettes qui bougent.
Et Cat-Yusuf arrive, habillé simplement d'un jean et d'une chemise blanche.
Il s'assied, présente son guitariste et, avec sa propre Gibson J200, entonne les premières notes de son show.
Il bougera de temps à autre, vers son piano, y jouera, contre toute attente, des titres qui se jouaient habituellement à la guitare et vice versa lorsqu'il retournera à sa guitare.
Petit à petit, le staff des musiciens s'étoffe en une équipe homogène et gaie, exclusivement masculine (rappel que nous sommes avec Yusuf).
Cat (que je m'obstine à nommer ainsi) nous conte son univers, ses rêves de comédie musicale avec le héros qui s'appelle « Stormy », son amie « Lisa » (clameur du public mais stoppée par un « not yet! » de l'artiste) et les personnages sont entrainés dans une histoire mêlant plusieurs de ses titres les plus célèbres « Moonshadow », « Matthew and son », « father and son »...
Entracte.
L'artiste reprend avec notamment le fameux « sad Lisa » interprété sobrement mais magistralement au piano.
Les chansons défilent toutes comme dans un rêve, je ne suis plus à Bercy, en 2011 mais à nouveau, plongée dans mes fictives sixties-seventies et j'écoute cette icône, je la mange des yeux.
Je ne suis pas la seule : de temps à autre, des femmes hurlent dans la salle « Cat, I love you! »
Il répond avec beaucoup d'humour que lui aussi nous aime mais sa femme est dans la salle.
Sur les écrans géants, on voit son visage, à peine abimé par le temps, ses yeux humides tellement il est ému de voir autant de ferveur chez son public français.
La salle est presque pleine, seuls les sièges les plus hauts sont vides.
Et c'est d'un seul chœur que nous reprenons les refrains que nous connaissons tous.
Cat Stevens, on le voit, est bouleversé, il pleure, répète qu'il nous aime.
Il aura deux rappels mais ne chantera pas « My Lady d'Arbanville », fidèle à la promesse qu'il s'est faite de ne plus jamais la chanter sur scène...
Nous quittons la salle à regrets et je ne peux m'empêcher d'acheter un tee-shirt et le programme, chose que je ne fais d'ordinaire jamais, mais je suis consciente d'avoir vécu quelque chose d'historique et je pourrai ainsi dire « j'y étais ».
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